Si vous évoluez dans le domaine des émulsions de bitume, vous avez probablement déjà entendu parler de la notion de « granulométrie » des émulsions. L’objectif de cet article est de vous apporter les connaissances de base pour comprendre de quoi il s’agit, et pourquoi il est particulièrement important de se pencher dessus lorsque l’on cherche à formuler et produire des émulsions de bitume.
Table des matières
Pourquoi s’y intéresser ?
Une émulsion de bitume doit être la plus stable possible avant utilisation, puis rompre efficacement au contact du sol et des granulats. Sauf que la stabilité et la rupture de l’émulsion sont fortement influencées par la granulométrie de l’émulsion.
Mauvaise granulométrie = Risque de déphasage dans les cuves + Rupture non-homogène
Bonne granulométrie = Stabilité maximisée + Rupture maîtrisée
La granulométrie
Dans le secteur de la route, l’expression « faire une granulo » désigne le fait de déterminer la courbe granulométrique d’une formule granulaire d’enrobé. Concrètement, les granulats sont tamisés à l’aide de plusieurs tamis, et la masse retenue sur chaque tamis est pesée, ce qui permet de tracer une courbe granulométrique. Pour les formulateurs, cette courbe apporte des informations capitales sur la qualité des granulats, notamment à travers la teneur en fines. Le formulateur ajuste finement cette courbe afin que l’enrobé final réponde bien à l’application visée et aux spécifications de chantier.
Si vous connaissez ces notions, alors vous ne serez pas dépaysé avec les émulsions de bitume.
La granulométrie des émulsions de bitume
Pour les émulsions de bitume, la granulométrie (aussi appelée « distribution des tailles de particules » englobe deux notions : le diamètre médian et la dispersité. Ces deux notions, qui sont expliquées dans les paragraphes suivants, vont de pair : ensemble, elles donnent des informations sur la qualité d’une émulsion, ce qui permet d’ajuster les formules pour en améliorer les propriétés. De la granulométrie de l’émulsion découlent beaucoup des propriétés que vous connaissez, telles que la stabilité de l’émulsion, sa viscosité, et même son comportement à la rupture. Chez VIALAB, nous avons réalisé des analyses granulométriques pour présenter l’effet de la température du bitume sur la qualité des émulsions. La granulométrie des émulsions est donc d’une importance capitale pour les formulateurs, les techniciens de contrôle qualité, et même les responsables d’usines : évaluer la granulométrie des émulsions produites permet d’optimiser les paramètres de production (température du bitume et de la phase aqueuse, temps de maturation de la phase aqueuse, vitesse du moulin) et limiter les risques de déphasage. Tout responsable d’usine a le souvenir d’une émulsion qui s’est séparée dans une cuve de stockage. Soyez rassuré : la granulométrie des émulsions peut vous aider.
Le diamètre médian
Anglais : Mean Diameter
Le diamètre médian d’une émulsion est la taille qui sépare les particules en deux groupes : 50% des particules ont un diamètre supérieur au diamètre médian, et 50% des particules ont un diamètre inférieur.
Le diamètre médian est une grandeur importante pour évaluer la qualité d’une émulsion. En effet, la stabilité d’une émulsion dépend, en partie, de son diamètre médian : plus les particules sont grosses, plus elles auront tendance à se regrouper à la surface (crémage) ou au fond (sédimentation) de la cuve de stockage. Ce phénomène est traduit par la loi de Stokes : la vitesse de migration d’une particule dans une phase dispersante est liée à la taille de la particule, à la différence de densités entre les deux phases, et à la viscosité de la phase dispersante.
v = Vitesse de séparation (m/s)
g = accélération terrestre (m/s2)
r : rayon de la particule (m)
ρ : densité de la phase (kg/m3) [p : particule ; f : fluide]
μ : viscosité dynamique de la phase dispersante (kg/m.s)
Plus la taille de la particule est faible (r ↘), plus sa vitesse de migration est faible (v ↘), et donc plus la séparation des phases est lente. Moyennant quelques hypothèses, cette loi peut être utilisée pour comprendre les paramètres influençant la vitesse de déstabilisation des émulsions de bitume : en général, plus le diamètre médian de l’émulsion est faible, plus celle-ci sera stable. Bien sûr, d’autres phénomènes peuvent influencer la stabilité d’une émulsion (qualité du bitume et de l’émulsifiant, activation de l’émulsifiant, teneur en émulsifiant) mais un diamètre médian faible et compris entre 1 et 20 μm sera toujours une bonne base de travail.
La dispersité
Anglais : Particle Size Distribution
Si toutes les particules de l’émulsion ont la même taille, l’émulsion est dite « monodisperse ». À l’inverse, si toutes les particules ont une taille différente, l’émulsion est dite « polydisperse ». En réalité, les émulsions ne sont jamais complètement monodisperses ou complètement polydisperses, mais un entre-deux. Plus les particules ont une taille proche du diamètre médian, plus l’émulsion est proche de la monodispersité, ce qui est un gage de qualité. Des grandeurs, telles que l’écart-type, permettent d’évaluer la dispersité d’une émulsion.
ε : écart-type
D84 : Taille pour laquelle 84% des particules ont un diamètre supérieur
D16 : Taille pour laquelle 16% des particules ont un diamètre supérieur
Il n’y a pas de valeur limite pour considérer une émulsion comme monodisperse ou polydisperse, néanmoins les envergures de plusieurs émulsions peuvent être comparées pour évaluer leur différence de qualité.
Dans le domaine des émulsions de bitume, plus une émulsion est monodisperse :
- Plus elle est stable ;
- Plus sa viscosité est élevée ;
- Plus la rupture de l’émulsion est homogène (moins de risque d’emprisonnement d’eau dans le liant).
Il est souvent souhaitable qu’une émulsion soit la plus monodisperse possible pour maximiser sa stabilité et optimiser son comportement à la rupture. Par exemple, les émulsions de bitume modifié ont tendance à présenter une dispersité élevée, ce qui les rend moins stables et plus fluides que des émulsions de bitume pur.
Conclusion
Les propriétés d’une émulsion de bitume sont toutes liées à sa granulométrie, de près ou de loin. La granulométrie est donc un élément central pour la formulation et le contrôle qualité des émulsions. Voir la granulométrie de l’émulsion se dégrader, c’est se donner les moyens d’agir rapidement pour éviter les déboires. Côté formulation, de nouvelles formules peuvent être développées sans craindre de perturber les propriétés essentielles des émulsions : leur stabilité et leur comportement à la rupture.